Homélie pour la nuit de Noël
église Saint Pierre Saint Paul de Maubeuge
Chaque nuit de Noël s’ouvre avec cette annonce du prophète Isaïe : Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière. Qui est ce peuple dont parle le prophète ? Les Galiléens, annexés par les Assyriens, il y a 2700 ans ? Les bergers qui gardaient leurs troupeaux dans la nuit de de Bethléem ? Ou bien, nous, hommes, femmes, enfants, citoyens de ce début d’un 21e siècle qui ne sait plus trop où il va. Qui a regardé les unes des journaux de ces dernières semaines y a lu des titres peu réjouissants : La France en récession, la région aussi... Pleins les restos ! (Ils s’agit des restos du coeur)... Casser la crise... Et ce cri : Assez !
Le peuple qui marchait dans les ténèbres. Jusqu’au dernier jour du monde, chaque peuple affronté à la vie, chaque peuple en marche au milieu des incertitudes de son temps se reconnaîtra dans ces mots d’Isaïe. Mais la phrase est à lire jusqu’au bout : Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière.
En cette nuit et en ce jour de Noël, nous sommes des millions et des millions de chrétiens à nous rassembler de par le monde pour rappeler à tous que dans cette grande lumière, nous avons reconnu la naissance d’un petit enfant : elle mit au monde son fils premier-né ; elle l'emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n'y avait pas de place pour eux dans la salle commune.
Chaque année naissent des millions d’enfants. Alors pourquoi, nous souvenons nous particulièrement de cette naissance-là, de la naissance de Jésus, le fils de Marie et de Joseph ? Dans l’évangile de Saint Luc, ce sont les anges, les messagers de Dieu qui donnent le sens, la clef de cette naissance : Ne craignez pas, car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : Aujourd'hui vous est né un Sauveur, dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur.
Aujourd'hui vous est né un Sauveur ... Pour comprendre en quoi cette naissance est une bonne nouvelle, une grande joie pour nous, aujourd’hui, je vous propose 3 signes. Regardez cette crèche, que tous nous installons dans nos églises et nos maisons, cette crèche qui rappelle la nuit de Bethléem. Et à la place de ce nouveau-né, je vous invite à déposer ces 3 signes.
Le premier signe sera le livre de la Parole, la Bible que je dépose dans la crèche. Si cet enfant nous rassemble en cette nuit de Noël, c’est qu’il a été cet homme marchant sur les routes de Galilée, annonçant la bonne nouvelle. Il a guéri les malades et nourri les foules. À Jérusalem, arrêté, jugé, il est mort sur la croix. Au matin de Pâques, devant le tombeau vide, il est le Ressuscité, le premier-né d’entre les mort, Dieu-avec-nous.
Les quelques milliers de gens qui ont entendu Jésus sur les routes de Palestine sont devenus des foules immenses qui de génération en génération ont ouvert ce livre de la Parole. Des foules qui y ont trouvé une Parole de vie, une Parole qui aide chacun à trouver son chemin. Nul ne peut comprendre Noël s’il n’ouvre pas ses yeux, son coeur, son intelligence à la Parole de l’Évangile
Le second signe sera un pain. Avez-vous déjà songé au signe qui nous est donné quand Jésus, nouveau né, est déposé dans une mangeoire. À quoi sert une mangeoire sinon à donner à manger ? Dans cette mangeoire, je dépose un pain. Moi, je suis le pain de la vie, dit Jésus. Celui qui vient à moi n'aura plus jamais faim ; celui qui croit en moi n'aura plus jamais soif. En donnant sa vie sur la croix pour le salut du monde, Jésus vient vers chacun de nous, comme il venait vers les foules qui avaient faim. Jésus vient vers chacun de nous comme vers un frère ou une soeur dont il a le souci et qu’il porte dans son coeur. En communiant, tout à l’heure au pain et au vin, au corps et au sang de Jésus, nous portons en nous cette foi, qu’il nous donne la vie pour que chacun ait en lui la force d’un amour à partager ; que chacun se sente le frère de tout être que la vie met sur notre chemin.
Le troisième signe sera la lumière. En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes dira le prologue de l’Évangile de Jean que nous lirons demain ; la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas arrêtée. En cette nuit de Noël, dans La crèche, je dépose la lumière. Ou plus exactement, je dépose 3 lumières : la lumière de la lucidité ; la lumière de l’espérance ; la lumière de la fraternité. Ces lumières, elles nous sont proposées par toutes les églises de notre pays, de tradition catholique, protestante, orthodoxe, anglicane, copte, et d’autres encore réunies au sein du conseil des Églises Chrétiennes de France. C’est leur message de Noël que je vous partage maintenant..
La lumière de la lucidité... Notre monde est en crise. Cette crise sous ses formes financière, économique, sociale, écologique, est-elle une crise de plus ? Semblable à celles que nous avons déjà connues ? C'est peu probable. Mais quoi qu'il en soit il serait cynique ou illusoire d'envisager une sortie de crise durable par une simple « relance de la machine ». La « solution » toujours plus de consommation est une fuite en avant. Outre un épuisement accéléré des ressources de la planète, cette recherche effrénée de la croissance génère une augmentation des inégalités entre continents et au sein même de notre pays, facteur de violence.
La lumière de l’espérance... Cependant, la fin d'un monde n'est pas la fin du monde. Dans une situation actuelle lourde de défiances multiples, il nous appartient de choisir de vivre dans la confiance et l'espérance. Cette dépression généralisée peut provoquer un choc salutaire. Le temps de l'Avent et de Noël est précisément celui où Dieu nous rejoint et nous parle d'espérance. Cette espérance questionne directement nos modes de vie, nos façons d'être au monde. Il est temps de s'engager pour une vie nouvelle.
La lumière de la fraternité... Notre société est globalement malade de réduire les relations humaines aux échanges marchands. La cupidité qui soutient la course au profit a créé des distances, entre la finance et l'économie, entre le capital et le travail, entre les hyperactifs et les sans emplois... Pourtant, l'interdépendance en notre monde globalisé nous oblige de fait à des solidarités concrètes. Au plus près et au loin. Sachons écouter celles et ceux qui nous invitent à fêter « Noël autrement ». Avec eux, choisissons la paix envers la planète et entre tous ceux qui la peuplent. Et célébrons tous ensemble Celui qui est venu à notre rencontre, qui est Emmanuel, Dieu avec nous.
Joyeux Noël à tous. Aujourd'hui vous est né un Sauveur, proclame l’Évangile de Noël. Dieu vient sauver le monde. Dieu nous appelle et nous envoie pour être des artisans de ce salut. La tâche est immense. Nous avons tant à faire, mais Dieu est avec nous. Joyeux Noël dans la lucidité, l’espérance et la fraternité. Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu'il aime.
Amen.